De l’art ou du nazisme?

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Soucoupe Volante - VRIL Suzanne Treister

C’est ainsi que le journal Sud Ouest titre en p.20 du 05 avril sous la plume de Denis Lherm. Il relate la rencontre proposée avec l’artiste anglaise, Suzanne Triester, à la Maison du projet à Bacalan/Bassins à Flot par la Commission artistique de Bordeaux Métropole; Réunion animée par Michel Duchêne, vice-président. L’ artiste, mondialement reconnue, a répondu à la commande publique de la commission artistique « Garonne » de la Métropole qui a choisi le fleuve comme « élément fédérateur ». L’assemblée métropolitaine a voté ce projet à la quasi unanimité des voix. Coût,1.500.000€.
Comme vous le voyez sur la photo, l’ oeuvre de l’artiste se décline en 3 constructions qui seront déposées entre la rive droite et gauche.

Trypique - LES VRILS DE BORDEAUX
Tryptique – LES VRILS DE BORDEAUX

Autant le pavillon en l’honneur du philosophe et écrivain Jacques Ellul et la réinterprétation de l’observatoire de Floirac n’ont guère soulevé d’ objections, autant la soucoupe volante prévue sur les Bassins à Flot devant la Base sous-marine a provoqué l’indignation des bacalanais présents. Cette soucoupe « VRIL » dit l’artiste « serait construite à partir des tôles d’un navire de guerre gisant au fond de la Garonne… » j’ai eu la vision d’un de ses navires de guerre transformé – plusieurs décennies après la défaite allemande – en une navette spatiale « VRIL » rutilante, née d’un fantasme de puissance et de contrôle catalysé par une guerre nazie mais devenue à présent une vaisseau spatial français, dynamisant l’Histoire, la transposant dans l’époque actuelle et l’orientant vers un avenir hypothétique, comme un rappel de la guerre et du conflit mais aussi comme un encouragement à envisager un avenir différent, un avenir à imaginer et à construire »

Dire que la rencontre de ce lundi 4 avril a été houleuse est un euphémisme. L’incompréhension a été totale entre une artiste arc-boutée sur son projet, la signification philosophique qu’elle lui donne et une partie du public qui lui reproche justement le titre de son trypique « LES VRILS DE BORDEAUX ».

Suzanne Triester souhaite promouvoir une signification positive du nom VRIL (donné à la soucoupe volante) alors que toutes les informations que nous avons pu recueillir affirment le contraire : les thèses nazies se sont largement inspirées de cette idéologie, qui certes prends sa source dans un simple roman de sciences fiction mais qu’elles ont repris à leur compte. C’est, entre autres, le nom d’une loge nazie proche d’Hitler qui prône la détestable notion de race supérieure et de ce qui en a découlé…sans parler de la montée actuelle du nazisme en Europe et ses représentations.
Le souvenir des républicains espagnols qui ont construit cette énorme base sous-marine à Bacalan pendant la guerre avec les pertes que l’on connaît a été évoqué, rendant la vision de la soucoupe sur les bassins à flot et son nom, « insupportable » pour les uns, »oeuvre équivoque et véritable agression inconséquente » pour d’autres, allant même jusqu’à « l’incitation à la haine raciale ».

Soyons clair et précis, nous n’avons à aucun moment remis en question la notion d’art moderne ni la notion de commande publique…ni même le coût exorbitant du projet. Certes, lors de cette rencontre, l’artiste a été malmenée, parfois exagérément. Nous pouvons nous interroger sur la prise de position politique qui a rendu possible cette situation et nous regrettons infiniment que Mme Triester, forte de sa notoriété d’artiste reconnue n’aie jamais, à aucun moment, fait montre du moindre souci de « compréhension » devant l’émoi des enfants de prisonniers de guerre présents, ceux qui justement ont gagné nos libertés actuelles. De nombreuses personnes les ont accompagnées afin de bien signifier que leurs revendications dépassent le seuil de Bacalan et s’inscrit dans un esprit humaniste. Le délire d’un artiste peut être source de création bonne ou mauvaise, mais doit-il être sans limite ?

Par respect pour les habitants de Bordeaux, ceux qui sont choqués dans leurs sentiments les plus intimes, nous demandons à la commission « Garonne » de Bordeaux Métropole d’une part de rechercher un autre emplacement pour la soucoupe, ce n’est pas l’espace qui manque le long de la Garonne; pourquoi pas aux Quinconces, beaucoup plus central, beaucoup plus vaste, en prise directe avec le fleuve ? et d’autre part de supprimer ce titre « LES VRILS  » de Bordeaux en faisant remarquer à Mme Triester qu’en appeler au philosophe Jacques Ellul et qui plus est, à Montaigne et Montesquieu, est indigne pour une commande publique qui émane d’une ville que je croyais bien issue culturellement du siècle des lumières. J’ai dû rêver moi aussi.

Pierrette Coudret
directrice de publication

5 COMMENTAIRES

  1. Au delà de l’ignominie de la référence à un livre violent et raciste dont les idées ont été reprises et mises en pratique par les nazis ,il y a le risque de créer un sanctuaire propice à des commémorations d’extrême droite.

  2. Tout est dit et bien dit!
    L’ argument, la mesure et la pondération sont des armes qui ne tuent pas.
    Je déplore vivement que l’émotion des uns dérape dans l’excès et l’outrance conduisant à une violence identique à celle du camp d’en face, feutrée et sournoise.
    Que l’on se « rassure »: tout cela a été démocratiquement accordé par le vote de quelques élus estampillés veau sous la mère, incultes et élevés au caviar/champagne.
    A défaut de culture un petit clic sur internet à la page « Vrill »nous aurait évité le choc du voisinage terrible de Jacques Ellul et Edward Bulwer-Lytton, messieurs les élus.

  3. Plus j’avance dans la compréhension du monde des Vrils, plus je suis horrifiée.

    Je regrette que l’interprète ne se soit pas donné la peine de partager mes propos avec l’assemblée francophone quand j’avais choisi de m’adresser en anglais à l’artiste anglaise lors de la rencontre lundi soir.

    Voici en gros ce qu’ai dit :
    – J’aime l’esthétique du projet. J’aime l’art contemporain.
    – Je suis peut-être parmi les seuls à avoir lu le roman éponyme [« Vril – la Race Future » « Vril – the Power of the Coming Race », publié de façon anonyme en 1870].
    – Les mentions dans le roman de « race supérieure » sont déjà très claires et effroyables sans qu’il ne soit nécessaire d’aller jusqu’à la récupération probable par les nazis. On comprend que plus tard ce discours ait pu parler aux nazis qui y ont reconnu leur idéologie.

    Quelques citations du roman pour illustrer le caractère soi-disant « pacifiste » (selon l’artiste) de cette race future :

    « Alors, naturellement, comme ils menacent notre sécurité, nous [les Vril] les détruisons. Il n’y a pas moyen de s’entendre avec une race assez idiote pour changer toujours de forme de gouvernement. »

    la démocratie vue par les Vril:
    « le gouvernement des ignorants, d’après ce principe qu’ils sont les plus nombreux »

    Et, selon le narrateur :
    « Je crois de plus que, s’ils sortaient jamais des entrailles de la terre, suivant l’idée traditionnelle qu’ils se font de leur destinée future, ils détruiraient pour la remplacer la race actuelle des hommes. »

    « Les Vril-ya, en sortant de dessous terre, charmés par l’aspect d’une terre éclairée par le soleil, commenceraient par la destruction, s’empareraient des territoires déjà cultivés, et détruiraient sans scrupules tous les habitants qui essaieraient de résister à leur invasion. »

    « nos inévitables destructeurs. »

    Tout cela ne parle donc que de destruction d’autres races pour les remplacer par une nouvelle race.

    J’espère sincèrement que cette incitation à la haine par l’intitulé « Vril » ne sera pas actée à Bordeaux.

    Le livre est disponible en pdf :
    https://beq.ebooksgratuits.com/vents/Bulwer_Lytton_La_race_future.pdf

  4. La soucoupe va être bientôt mise au bassin à flots et même si le nom n’est plus vril la référence reste la même, cette œuvre est une nouvelle attaque et une nouvelle brèche face au négationnisme à la parole décomplexée de la bête immonde qui reviens protégé par l’oubli et l’ignorance.
    La métropole veut -elle réhabiliter sous prétexte de modernité le passé nazi de la ville ?
    Un artiste peut il faire abstraction de l’immoralité et de la haine que son œuvre va provoquer sous prétexte de liberté de création?
    Je demande boicot et lutte contre la banalisation de telles tentatives que nous avons paye et nous payons si chères.!!!!!!!!
    L’art ne peut pas être à la botte de telles idées!!!!!

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