Pour qui sonne le glas

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Ma cour est limitrophe de l’école maternelle et depuis quelques jours, le piaillement des petits moineaux m’indique que l’école a repris.

Comme chaque  matin, je vais au  marchand de journaux situé à proximité de cet établissement et au retour, je ne puis m’empêcher de viser la sonnette de cette école qui me rappelle un triste souvenir.

En effet, par une belle journée ensoleillée, dès huit heures du matin, ma grand’mère, me prépare et je pars chercher ma petite voisine Reine aussi âgée que moi (nous avons cinq ans et demi) et démarrons pour l’école. Nous habitions rue des Pelourdes.

Je sais pas pourquoi, ce jour-là, nous avons musardé le long du boulevard écouté les hirondelles qui piaillaient,  qui planaient dans le ciel.

Arrivés devant chez Lafforgue (bar situé à l’angle du boulevard et de la rue  Achard), nous avons regardé le wadman changer le troley de sens pour faire  demi-tour.

Quelque mètres plus  loin, nous admirons la vitrine de Madame Reynier, parée de bibelots.

Nous  redémarrons pour nous arrêter à la boulangerie Larrère acheter un petit pain. Le boulanger met son doigt sur la bouche (esquivant un chut à peine audible)(un contrôleur des tickets d’alimentation était  sur le côté épluchant les cartes). Il faut dire que pour les petits pains, il ne nous demandait pas de ticket de rationnement.

Arrivés devant l’école, nous trouvons la porte fermée. Hébétés nous restons sur le seuil, puis je me hasarde à essayer d’atteindre la sonnette. Malheureusement, je suis trop court et me résigne à abandonner. Nous décidons de revenir chez nous.

Dès que ma grand-mère nous voit revenir, elle nous gronde et ma copine repart chez elle. Il est onze heures, sur la gazinière j’entends le pot de soupe qui mijote.

Tout à coup un éclatement étourdissant retentit semblable à un orage super puissant suivi d’un autre plus bruyant ; c’est le bombardement.

Nous nous mettons dans le coin de la maison (on disait que dans les encoignures les murs résistaient mieux).

Après une petite accalmie, nous sortons de notre cache. Notre voisin M. Beau, nous fait observer que la bombe n’est pas tombée bien loin. Des poussières retombent, le calme revient, nous nous réfugions chez ma copine en face.

Revenu chez nous, nous constatons que dans la marmite de soupe, l’émail est tombé au fond. Dans le coin que nous avions déserté gisait un éclat d’obus qui avait transpercé le plafond.

La vie reprend petit à petit ; nous entendons des bruits d’outils. Je me hasarde place Mareillac et constate que la maison rouge est complètement détruite avec d’autres.

C’était le lundi 17 mai 1943 (247 morts)

Si vous passez rue Achard, à l’entrée de l’école maternelle regardez la sonnette, elle est toujours là.

Lucien DUPIN

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