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Journal de Bacalan N°90 – Les nouvelles du concours d’écriture

17 Sep 2025 | 0 commentaires

Les nouvelles des adultes

Nouvelle Gagnante : Enquête au Kfé - Qui café quoi ?

En ouvrant le journal Bacalan tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres, quelle surprise ! Une feuille de papier s’échappe d’entre les pages et virevolte entre mes doigts. Son titre me saute aux yeux : « AVIS DE RECHERCHE : du café pour le Kfé ».
Qui a bien pu la glisser là ? Je me précipite dehors, mais il n’y a plus personne dans la rue. Je décide aussitôt de me rendre au Kfé afin de tirer au clair cette histoire. Chose étonnante, je ne croise pas âme qui vive en traversant la Place Buscaillet ! J’aperçois finalement une silhouette sur les marches du Kfé… C’est Isabelle.

« Que va-t-on devenir sans café ? » se lamente-t-elle.
Intriguée, je m’immobilise devant elle, les mains sur les hanches et je jette un coup d’œil à l’intérieur. Ma curiosité se mue en inquiétude : à l’image du quartier, le lieu est complètement, absolument, terriblement vide.
« Ça alors ! Je m’exclame.
– Le café a DIS-PA-RU ! Isabelle, que je connais pourtant si enjouée, pleure à chaudes larmes.
– Disparu ?
– Envolé ! Plus un grain !
– Ça alors…
– Sans café, autour de quoi se rassembleront les habitant-es ? Laisse-moi te le dire, autour de rien, nous sommes fichus ! »
Alors là ! Hors de question de se laisser abattre.
« Nous allons mener l’enquête ! ». Je m’enflamme, cette mission est faite pour moi, je le sens. Armée de mon flair infaillible, d’une loupe et d’un tournevis (on n’est jamais trop équipée), je franchis la porte du Kfé. J’observe tout : chaque détail compte, tous les indices dont j’ai besoin sont ici.
J’inspecte les placards du Kfé et découvre le sac de grains éventré et épuisé. Pas de doute, les caisses sont vides. Un éclat brun attire mon regard. Crotte de souris ? Que nenni ! Il s’agit bel et bien d’un grain torréfié, mon odorat me le confirme.
« Quel fin limier ! » Isabelle m’assiste. Notre investigation se poursuit. Un mot griffonné dans le Livre d’Or nous interpelle : « Attrape-moi si tu peux ! ». Le café se serait-il enfui ? Je fronce les sourcils, décidément, rien ne tourne plus rond au Kfé.
Tout à coup, un raclement de gorge nous fait sursauter.
« Bonjour… Je me suis permis d’entrer…  » Un homme d’un certain âge, à défaut d’être d’un âge certain, se tient dans l’entrée, les mains encombrées d’un paquet de grains torréfiés, qu’il tend vers nous. « J’ai vu votre annonce, alors voilà, je vous offre une partie de ma réserve personnelle. »
Une tête pointe soudain derrière son épaule et une petite voix se fait entendre : « Moi aussi je vous en apporte. » Puis une autre « Moi aussi ! » et une autre « Et moi ! », et encore une autre… Bientôt c’est le quartier tout entier qui se bouscule à la porte. Le sac de grains est vite de nouveau garni.
Les larmes aux yeux, Isabelle met en route la cafetière, qui ronronne aussitôt. « Ah merci, vraiment merci ! » Elle déverse sa gratitude au fur et à mesure que le café coule, fumant, dans les tasses de chacun-e.
Un certain Luciano, l’œil malicieux, clame haut et fort : « Mais vous êtes-vous déjà demandé ce qu’est le café ? Le café est une excuse. Une excuse pour dire à un ami que vous l’aimez”.

Charlie Boidron

Le mystère des Berges de Garonne à Bacalan

En ouvrant le journal de Bacalan tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres, quelle surprise ? Bonne ou mauvaise nouvelle ? Je ne sais pas !
Souvent je me ballade près du petit parc proche du terrain de pétanque, le matin il y fait très bon et je rencontre souvent les personnes qui viennent se balader avec leur chien. Mais ce matin-là, quelque chose m’interpelle ! J’aperçois un va et vient d’un petit groupe de personnes étrangement équipées, tout en blanc, comme la police scientifique tout près de berges de la Garonne.
Que se passe-t-il ? Un peu curieuse je me rapproche afin de savoir ce qui se passe mais aussitôt ces personnes me demandent de ne pas m’approcher et de bien vouloir m’éloigner.
Je me demande ce qui peut bien se passer : une noyade, un meurtre, un suicide, la découverte d’une cité lacustre. Mais quel mystère peut-il y avoir sur nos berges de Garonne ?
Je m’éloigne à contre cœur mais la curiosité taraude mon esprit. Il semble également que d’autres personnes ont fait la même chose que moi mais aussi repoussées sans autre explication. Le manège dure plusieurs jours sans qu’aucune information ne transpire. Chose bizarre pas de police pas de gendarmerie.

Inutile de vous dire que les langues vont bon train et que tout le monde y va de ses petites histoires aussi burlesques les unes que les autres mais personne ne sait. Je reste vigilante car je voudrai savoir… Donc un matin très tôt j’ai réussi à m’approcher de la berge sans me faire voir et là miracle j’avais la solution du mystère devant mes yeux !

Les personnes en blanc étaient sur une petite embarcation c’était tout simplement des chercheurs et des vétérinaires qui s’occupaient d’une nichée de ragondins : le couple et deux bébés, j’étais très émue.

C’est vrai que nous avions Marcel le célèbre ragondin de Bacalan et de sa cousine Ratapiette héros du petit livre de Bacalan. Enfin voilà le mystère éclairci, nous sommes rassurés. Maintenant toute une petite famille à protéger.

Je pense qu’il va falloir baptiser tout ce petit monde ! Donc tous à vos stylos et à vous creuser vos petites méninges pour trouver les noms pour peut-être continuer à faire vivre cette histoire dans notre petit journal de Bacalan !

Françoise Allene

Le vertige de la Louve

En ouvrant le journal de Bacalan, tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres : j’ai lu: « Lou, 19 ans, disparue après son jogging sur les berges de la Garonne. »
Lou… La Louve insoumise, crête de punk dressée comme celle d’une huppe, éclaboussée de soleils et de nuits naissantes. Éclat d’animal libre, mystérieuse et imprévisible. Parfois, lorsque je lui disais un mot, un sourire, elle filait, happée par la nature, ses mouvements rappelant l’oiseau exotique, rare et secret, chaque geste une échappée, chaque sourire un cri muet porté plus loin, promesse de liberté.
Son sac, glissant au fil du fleuve comme une confidence engloutie, semblait chercher une rive. À l’intérieur, une feuille froissée reposait :
« Je cours pour fuir mes ombres, mais elles me devancent. Pardonnez mon silence. »
Son téléphone vibrait encore. Une chanson tournait en boucle : “Douleurs muettes”. Chaque note saignait comme une plaie, chaque mot scarifiait son âme, creusant des fissures invisibles dans le cœur.
L’autopsie fut sans appel : overdose. Pas de lutte, pas de sang, seulement le choix irréversible de disparaître dans le silence, une décision échappant à toute compréhension. Et moi, photographe des clairs obscurs, je n’avais rien capturé, rien saisi de sa détresse.
Je me souviens : un jour, elle m’avait lancé, presque par plaisanterie :
« Je cours pour fuir ce qui me ronge. »
Je n’avais pas compris que c’était une confession. Ses mots étaient rares, ses sourires furtifs ; derrière cette discrétion, une solitude plus vaste que le fleuve. La vérité m’a frappé : notre indifférence étouffe les vies avant qu’elles ne s’éteignent. Nous détournons le regard, laissant l’ombre et la violence faire leur œuvre, et, trop tard, nous cherchons des coupables.
Son corps éthéré dérivait, telle l’Ophélie de Rimbaud, suspendu entre la nuit et l’infini. L’eau le portait comme un miroir de l’âme, recueillant ses silences, ses vertiges et les fragments de son existence. Chaque ondulation semblait murmurer les vies oubliées, les désirs inassouvis, les solitudes enfouies dans l’ombre du monde. Elle dépassait la simple présence, devenant passage : pont fragile entre le tangible et l’absolu, entre la chute et l’élévation. Dans ce flottement saisissant, le temps se dissolvait, laissant flotter la question ultime : que reste-t-il de nous lorsque nos vies glissent silencieusement vers l’oubli ?
On dit que la rencontre de la vase et des marées fait naître l’angélique des estuaires. Alors j’imagine qu’un jour, de cette Garonne, jaillira une autre fleur : « Une Lou ». Fleur née du vertige et du silence, rose de Damas, écho fragile et envoûtant des instants suspendus, dont le parfum se mêle à l’ombre et à la lumière, gardienne des mémoires perdues et promesse silencieuse d’éternité : comme dans le kintsugi, chaque fissure d’un vase brisé, recomposée à l’or, transforme la blessure en beauté nouvelle.
Et vous, lecteur ? Devant ce silence, cette douleur muette : quelles blessures invisibles ont poussé Lou au bord du vertige ? Auriez-vous su offrir un mot, un sourire ? Imaginez un monde où chacun entendrait les cris intérieurs, agirait avant qu’il ne soit trop tard. Mais Lou n’est plus. Son absence nous juge. Sa chute nous renvoie cette question : et si la véritable faillite n’était pas la chute de Lou, mais notre silence collectif : combien de temps encore supporterons-nous l’indifférence ?

Fayçal Boudaa

Le mystère de la clef

En ouvrant le journal Bacalan tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres, quelle surprise ! Une clef glissée entre les pages du journal tombe à mes pieds. Je la ramasse et l’examine : pas de porte-clés ou de signe distinctif. La clef est de couleur argentée, l’anneau, que l’on tient à la main, est classique, la tige est cylindrique et le panneton, celui qui actionne la serrure est assez complexe, avec plusieurs parties en étoile.
Comment cette clé a pu se retrouver dans ma boîte ? Je décide d’interroger mes voisins, pensant que cet objet a pu atterrir chez moi par erreur. Chou blanc ! Je me dis que la personne qui l’a déposée va venir la réclamer… Après trois jours à attendre que quelqu’un vienne frapper à ma porte et demander son bien, rien. Je décide alors de prendre la clef en photo et rédiger une petite annonce telle que la font ceux qui ont perdu leur chat. Je la dépose dans la plupart des commerces du quartier et attend.
Bingo ! Quelques heures après, je reçois un appel sur mon portable :
– Bonjour, la clé que vous avez est la mienne. Quand et comment puis-je la récupérer ? me demande une voix masculine.
– Pas de problème, quand pouvons-nous nous rencontrer ?
– Le plus tôt possible.
Je lui donne donc rendez-vous devant la boulangerie la plus proche une heure plus tard.
C’est alors que mon téléphone se remet à sonner, avec un numéro inconnu. Je décroche et entend une voix masculine, complètement différente de celle entendue quelques instants auparavant, déclarer :
– Bonjour, la clé que vous avez est la mienne. Quand et comment puis-je la récupérer ?
Deux propriétaires pour une seule clef ? Bizarre… Le doute commençant à s’installer, je demande :
– Pouvez-vous me prouver que cette clef est bien la vôtre ?
– Vous apporter une preuve sera difficile, mais je peux vous expliquer la situation. C’est moi qui aie déposé la clef dans votre boîte pour m’en débarrasser rapidement car mon frère voulait s’en emparer. Il me suivait et voulait m’agresser.
– Votre frère ?
– Oui. Il souhaite s’emparer de cette clef pour récupérer les bijoux de notre mère qui sont enfermés dans un coffre. Comme il me suivait de très près, je n’ai eu qu’une idée, cacher la clef dans le premier endroit venu. Votre boîte aux lettres…
Il indique le nom de ma rue et avance un numéro proche du mien, ce qui justifie sa demande. Comme je lui explique l’appel précédent, celui de son frère, il me met en garde :
– Il peut devenir violent. Vous feriez mieux de l’éviter et me remettre au plus vite cette clef.
Je décide donc de ne pas me rendre au premier rendez-vous devant la boulangerie et convient d’un rendez-vous à l’arrêt du tram avec le second interlocuteur.

Le téléphone se remet à sonner. Cette fois-ci, c’est une voix féminine, plus trop jeune, qui m’interroge :
– Bonjour, la clé que vous avez est la mienne. Quand et comment puis-je la récupérer ?
– J’ai déjà eu deux appels pour cette clef. Pouvez-vous m’expliquer la situation ?
– Mes deux fils se disputent l’héritage avant ma disparition. Ils ont volé la clé de mon coffre et je n’y ai plus accès.
Trop, c’est trop ! Je file au commissariat remettre cette fameuse clef en donnant tous les renseignements en ma possession. Qu’ils se débrouillent tous sans moi !
Dorénavant, c’est décidé : hormis le journal de Bacalan et le courrier administratif, tout autre objet déposé dans ma boîte aux lettres finira… dans la poubelle ! Et même chose pour les appels téléphoniques non souhaités !

Lina Gaminain

La nouvelle de MAC

En ouvrant le journal Bacalan tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres, quelle surprise ! Le portrait d’Antoinette M, la photo d’une dame d’âge mûr et les premières lignes me ramènent de nombreuses années en arrière.
C’est bien elle cette Mamie souriante qui fût ma meilleure amie d’enfance.
Primaire, collège dans la même petite ville. Une amitié profonde indiscutable comme on en noue à ces âges.
Et puis, la séparation, en 3ème.
A cette époque il y avait celles qui partaient au lycée avec l’objectif du précieux bac et de la faculté et celles qui s’orientaient vers des emplois administratifs ou dans les grandes entreprises. Pour elle La Poste. Pierre Perret chantait sa chanson vacharde sur les postières.
A la rentrée en seconde, nous en parlions avec un peu de condescendance, de celles qui ne suivaient pas la voie des Études. Étions-nous sottes, alors.
Lisant l’article du journal j’apprends que cette amie n’a cessé de progresser dans sa carrière, passant des concours régulièrement pour terminer à un poste important durement acquis.
Le hasard fait donc que nous sommes installées dans le même quartier après des pérégrinations au hasard de la vie. Alors, vite, je vais prendre contact, et, si elle veut bien, renouer avec elle, évoquer des souvenirs. Qui sait, faire renaître des moments de complicité sereine et apaisée.
Et tout cela grâce au Journal Bacalan… Étonnant, non ?

MAC

La nouvelle de Nadia Koriche

En ouvrant le journal Bacalan….tout juste arrivé dans ma boîte lettres… quelle surprise…

L’opportunité et le besoin pour moi de cocher mon histoire…
Les prénoms resteront anonymes…

Moi N…. chassée par mon petit ami…je me retrouve sans abris…
Par le biais des réseaux sociaux…je trouve une annonce location chambre chez l’habitant…

C…..a besoin de compléter sa maigre retraite …elle est atteinte de lourdes pathologies médicales et est en fin de vie…seule avec son fauteuil roulant son déambulateur ses médicaments ses infirmiers ses ambulanciers…sa chatte O….veillant sur elle….

Notre colocation démarre…des petits coups de gueule…des rires…des peurs face à la maladie …des pleurs…des confidences…

C…..trouve confiance en moi et retrouve goût à la vie, se met en cuisine pour me faire des petits plats…se met à cocher sur du papier des petites sorties à faire avec moi…

J’ai réussi à retrouver trace de son petit-fils…
Entendre MAMIE JE T’AIME…C….est métamorphosée…sa santé et sa mort occultées…bien décidée à s’accrocher à la vie…à son petit-fils…son moteur de vie…des projets plein la tête …

Je suis devenue tatie de cœur pour son petit-fils…cela me remplit de joie et d’honneur…

Je viens de trouver un logement…dans le même immeuble…
Nous sommes décidément liées…

Je devais croiser cette dame…ma mission de voir des étincelles dans ses yeux…entendre merci d’être entrée dans ma vie …nous restons amies et continuons nos projets ensemble…

Chacune avait besoin de l’autre…nous nous sommes trouvées au bon moment.

Nadia Koriche

La nouvelle de Paul Junca

En ouvrant le journal Bacalan tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres, quelle surprise ! Dans un temps dont je ne saurais dire s’il dura quelques secondes ou plusieurs minutes, je fus sidérée par ce qui apparaissait sous mes yeux. Avec précaution d’abord, puis avec une insistance de plus en plus frénétique, je m’escrimais à rafraîchir la page de mon écran XLED. Un écran qui, de son côté, s’entêtait à marteler froidement le même message. « Un vrai CD rayé » aurait dit mon grand-père. Un, puis deux, puis dix impacts salés mouchetèrent mon écran. Naïvement, je voulus croire que mes larmes avaient déréglé la machine, déformé le contenu, travesti le message. Mais cela faisait belle lurette que ces appareils étaient parfaitement étanches, y compris aux produits chimiques les plus agressifs.
J’étais aux premières loges quand tout a commencé. Sans même soupçonner que quelque chose commençait d’ailleurs. Nous étions à l’aube des années 2030. Je venais d’emménager à Léon Bourgeois, segment d’une douzaine de maisons modestes, quand mon premier Journal Bacalan traversa ma boîte à lettres. En dernière page du numéro, un appel à bonnes volontés, pour reprendre la formulation de l’époque. L’envie de m’intégrer dans le quartier me fit pousser la porte du journal le mardi suivant. Le Comité de rédaction m’accueillit avec une chaleur sincère. Ils attendaient du sang neuf impatiemment. C’était peu de le dire, la plus jeune avait alors le double de mon âge…
J’entrais dans cette aventure avec un engouement total, et enchaînais articles et dossiers avec un insatiable appétit. Tout juste m’arrivait-il de maugréer quand lors des réunions mes acolytes blâmaient « ces jeunes qui n’avaient plus envie ». Probablement est-ce la volonté de leur prouver le contraire qui me poussa à prendre les rênes de la rédaction dès la fin de ma deuxième année. La sortie de l’école, le comptoir du bar de quartier, les événements portés par les associations, je mettais à profit tous les moments possibles pour recruter des journalistes en herbe. Au vu des efforts déployés, j’étais déçue de ne compter que trois nouvelles recrues à la rentrée de septembre. On ne ferait pourtant jamais mieux au cours de mes 38 années de présidence.
C’est que les écrans avaient envahi l’espace collectif. Ce n’était d’ailleurs pas tant l’écran le problème que leur usage. La possibilité technique de l’immédiateté avait pris le pas sur la valeur de l’analyse. Le volume sur la qualité. Le sensationnel sur la vérité. Les différents gouvernements avaient beau légiférer, ils avaient toujours un coup de retard, comme autant d’anti-virus obsolètes. Dans ce contexte, rares étaient ceux qui voyaient encore un intérêt à un journal papier. Alors pour lui donner de son temps…
Au cours de mon passage au Journal, nous subîmes d’autres coups du sort. Le plus brutal fut sans nul doute la disparition de la commune au profit de la Mégalopole Burdigallice. Ce nouvel interlocuteur détricota méticuleusement le maillage associatif de proximité, appauvrissant de facto le vivier de potentiels bénévoles. Il imposa rapidement l’emploi de l’IA de son partenaire privé par l’ensemble des associations (une obligation que je mis un soin scrupuleux à contourner). Je tins la barre comme je pus, jusqu’à ce que je sois déplacée dans le quartier-polder Bondé-Barrail, comme la totalité des seniors du quartier.
Depuis, je suis une lectrice parmi les autres. Mais une lectrice affectée ce matin quand je découvre que le Journal de Bacalan ne paraîtra plus. Affectée certes, mais pas abattue. Je résiste, stylo à la main.

Paul Junca

La nouvelle de Serge Pradoux

« En ouvrant le journal Bacalan tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres, quelle surprise ! » Autant tuer le suspense d’entrée, la surprise n’était pas contenue dans les pages du journal mais dans sa présence « chez moi » A vrai dire j’avais battu en retraite depuis quelques années et le journal avait oublié mon adresse et mon existence. Le quartier et moi, c’était une histoire digne d’un roman, indigne d’une histoire d’amour. J’entamais la liste des mauvais choix en garant ma soucoupe violente à la frontière naturelle formée par les bassins à flot. Un livreur de Domino’s pizza m’avait informé de la dangerosité du quartier où il ne s’aventurait pas au-delà du pont tournant. Pourtant, lors de mon premier passage sur cette planète dans l’identité et la mémoire du corps que j’avais emprunté, il me souvint que l’agent payeur des allocations familiales faisait sa tournée avec de l’argent liquide dans sa musette. Dans la cité, son passage était annoncé à chaque entrée et certaines familles l’attendaient pour faire les courses. C’était une époque où le moindre fonctionnaire représentant la moindre institution était respecté. A partir de Mai 68 l’état est sans doute devenu moins respectable mais, en ma qualité d’alien originaire de la 5 ème planète tellurique de la galaxie, il serait de mauvais goût d’émettre un jugement.
« Battre en retraite, repli stratégique, un truc de militaire qui suggère un retour, une revanche. Depuis Azincourt, où la chevalerie française avait laissé des plumes, le concept de vaincre ou mourir laissait peu de chance à un avenir prospère. Les bidasses s’était reconnecté à l’instinct de conservation et tant pis pour le panache.
En 2017, de la même façon, battu à plate couture et sans gloriole, j’avais quitté le quartier, la ville et la planète avec des idées de revanche à la Monte Cristo sans autres ennemis que ceux qu’avait inventé ma rancœur. La nostalgie ainsi que la rancune sont à ranger dans la liste des mauvais choix. La preuve, pas moyen de redémarrer la soucoupe ! J’ai vérifié l’allumage, bougie et vis platinées, fait changer le carbu au Garage moderne et je prenais mes repas incognito au Bar de la Marine. Toujours situé dans la « rue bleue » il y a un menu ouvrier mais il n’y a plus d’ouvriers. L’envie de voir les bolchéviques de ma connaissance était encore un mauvais choix mais j’avais suffisamment de lucidité de ne pas en décider l’option. Un ancien rouge avait attiré mon attention sur le respect dû à « ceux des boulevards » et je me suis abstenu refoulant la nostalgie de la soirée collage lors de la campagne électorale. On croit disposer d’un libre arbitre mais ce n’est qu’une illusion. Athée au dernier degré je garde un dosage de naïveté suffisant pour être heureux ou faire semblant de l’être dans l’idée de le devenir un jour.
Rentrant à la nage dans ma soucoupe en rade je découvris le journal et la raison de sa présence : c’était Marcel le ragondin primo occupant de la zone et porteur de journaux qui m’avait repéré.

Serge Pradoux

La nouvelle de Solange Sauliere

En ouvrant le journal Bacalan tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres, surprise ! Une lettre bordée de dorures où mon nom était inscrit, je déchirais l’enveloppe avec précaution, à l’intérieur, une histoire de mon enfance, une odeur parfumée me rappelais les jours heureux dans ce quartier nord Bacalan !

Elle disait ceci, le moment est venu, vous avez été choisie pour un voyage dans le temps hors du commun, ce que vous allez découvrir changera tout ! RDV au vieux port de Bordeaux, un frisson léger me traversa, c’était le lieu où je j’étais des cailloux dans la Garonne. Suivie de mon père, le samedi matin nous attendions les cargos chargés de cacahuètes, de café, de bananes de morues et de bois humides , nous fixions les eaux du fleuve , une bouffée d’odeurs familières douces et saumâtres nous titillait les narines, ce mélange si particulier montait dans les volutes brumeuses, le café partait à la torréfaction, les arachides aux huileries, ces souvenirs olfactifs me poursuivent encore agréablement.

Un peu plus loin sur les quais, les caves à vin où les barriques étaient alignées, ces odeurs plus que les images réveillent en moi des fragments de moi que je croyais perdus, ils me ramènent toujours vers mon enfance. Mon père ne parlait pas beaucoup mais je savais qu’il aimait cet endroit où il a travaillé à la fabrication de bateaux. On s’asseyait sur le bord du quai en rêvant de voyages. Regarde toujours plus loin que tu vois ! M’avait-il dit, le monde est plus grand que tu ne crois ! Je sentais ma gorge se nouer, un mélange de chagrin et de chaleur. Il n’est plus là mais ses mots resonnent en moi, les souvenirs parfois ramènent ce que la vie nous a pris ils restent dans mon cœur et je me dis que bacalan n’est pas seulement un quartier, c’est aussi une petite famille harmonieuse dans sa diversité.

Solange Sauliere

 

Les nouvelles des enfants

Histoire pour le Journal de Bacalan

En ouvrant le journal de Bacalan tout juste arrivé dans ma boîte aux lettres, quelle surprise ! Je vois qu’il y a un concours d’écriture ! Quelle bonne nouvelle, moi qui adore écrire des histoires, je m’y mets de suite !
Je prends ma plus belle plume et un très beau cahier avec des cœurs, je m’installe confortablement sur la chaise de mon bureau. Par la fenêtre de ma chambre, je vois dans la résidence des petits vieux d’en face un papi en train d’arroser les plantes.
Bref, voici mon histoire :

Chapitre 1
Il était une fois une princesse qui s’appelait Belle parce qu’elle était très belle. Elle vivait dans un grand, grand château. Belle était très heureuse mais elle s’ennuyait terriblement dans le grand, grand château qu’elle n’avait que pour elle et sa mère. Ce qu’elle faisait tout le temps, vingt-quatre heures sur vingt-quatre : écrire dans son journal intime. Sa mère ne voulait pas que Belle sorte du château, alors Belle était de moins en moins heureuse, et de plus en plus, et même complètement malheureuse.
Belle est très fatiguée, la phrase qu’elle répète avant de s’endormir c’est « je vais m’enfuir, je vais m’enfuir ».

Chapitre 2
Le lendemain, très tôt, à cinq heures du matin, Belle se leva, s’habilla, et alla prendre son petit-déjeuner. Elle pris des Corn Flakes et du jus d’orange pressé, puis alla se brosser les dents et se coiffer. Elle fit deux tresses collées, mis ses chaussures (à talons), pris son téléphone et partit. Elle appela sa grand-mère et lui demanda : « est-ce-que je pourrais éventuellement me réfugier chez toi maintenant ? Je me suis enfuie de mon grand, grand château et je viens de découvrir de quelle couleur était le ciel. »
Sa grand-mère accepta immédiatement d’accueillir sa petite-fille chez elle. Pour la première fois de sa vie, elle alla à l’école et se fit des tonnes d’amis. Belle revenait chez sa mère chaque année pour son anniversaire, ce qui la remplissait d’émotions.

Fin de l’histoire

Je pose ma plume, je ferme mon cahier. Je suis fière d’avoir fini mon histoire, j’espère qu’elle plaira aux lecteurs autant qu’à moi. Je la lis à mes parents, ils sont émus en l’écoutant, je suis sûre que dans leurs têtes ils pensent que je vais devenir écrivaine.
Tout d’un coup, mon ventre grouille, j’ai très, très faim ! Je mange des pennes à la sauce tomate, c’est exquis ! En me tournant vers le cadran de l’horloge de la cuisine, je vois qu’il est 21 h. Il est très tard, je vais me coucher.
En me couchant, je pense que demain je pourrais envoyer mon histoire au Journal de Bacalan. J’ai hâte de voir si elle va être publiée.
Bonne nuit !

Margaux – Juin 2025

La nouvelle d'Alice

En ouvrant le journal de Bacalan tout juste arrivé dans ma boite aux lettres, quelle surprise! Une publication pour un charmant petit appartement dans une nouvelle résidence dans le quartier.
L’annonce rêvée ! Le prix était étonnamment abordable. Raison de plus pour appeler l’agence immobilière !
Quelques jours de paperasse et de cartons plus tard, je pus emménager dans mon appartement. Il était génial ! Je me suis tout de suite sentie à l’aise.
Le soir même, il y avait la fête des voisins. Je décidai donc de m’y rendre. Je montai dans l’ascenseur pour monter jusqu’à la terrasse commune. Une dame âgée y monta avec moi et nous fîmes tout de suite connaissance.
Elle s’appelait Marie, elle vivait ici depuis 3 ans maintenant. Son petit-fils de 25 ans, Luc , habitait lui aussi dans la résidence mais il ne lui montrait pas beaucoup d’attention. Il n’était d’ailleurs même
pas venu à cette fête.
Marie et moi avons passé la soiré à nous raconter des anecdotes.
Pendant un an, je passais voir Marie tous les jours, sans exception. Mais un jour, le lundi 24 mars 2025, elle ne répondit pas quand je sonnai. Je réappuyai sur la sonnette, une fois, deux fois … Je décidai d’entrer, j’avais son double au cas où il se passait quelque chose. Je redoutais de l’utiliser un jour. Et pourtant ce jour était arrivé. Trop tôt selon moi. J’enfonçai la clé dans la serrure et la tournai et la porte s’ouvrit en grand devant le corps inerte de Marie, un couteau enfoncé dans l’abdomen.
C’était un meurtre, j’en étais sûre. Marie tenait trop à la vie pour se suicider. Il fallait que j’appelle la police. Non, c’était à moi de résoudre cette affaire, j’étais son amie. D’ailleurs, Marie se faisait apprécier par tout le monde, qui pourrait bien l’avoir tué…. sauf pour une histoire d’héritage bien
sûr ! Pour un héritage ? Cette idée m’était apparue comme ça et pourtant elle me semblait prendre sens… Luc !!!
Je repris mes esprits. J’étais sans doute allée trop vite, je connaissais à peine Luc. Bien sûr, je l’avais déjà sur des vieilles photos de familles mais jamais en vrai. De plus, il ne fallait vraiment n’avoir aucun cœur pour tuer sa propre grand-mère. Mon hypothèse n’était basée sur rien à part un
médiocre héritage. Je décidai d’en avoir le cœur net et d’aller le voir.
L’appartement de Luc était morose et sans vie. Lui, était comme son appartement. Il ne pensait qu’à gagner de l’argent et à l’argent lui même.
Je lui posai quelques questions sur sa grand-mère. J’appris que Marie avait une somme colossale qui dépassait mon imagination. Luc m’avoua qu’il ne l’aimait pas, ou du moins juste pour son argent… C’était sa façon d’avouer le meurtre ! Quelques heures après le meurtre, il était allé chez le notaire qui lui avait appris que j’étais la seule bénéficiaire de l’argent de Marie.
En me racontant cela, Luc se jeta sur moi, les yeux pleins de haine…
FIN

Alice

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